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Les textes des participant(e)s à l'atelier d'écriture
10 décembre 2010

L'atelier d'écriture par Alex E.

Tropique
   

Une pluie de météorites sur la plage arrière du taxi miteux qui m'amène Allée Ausone. Je viens de renverser tout ce qu'il me restait de coke, au moment où ce connard de chauffeur a pris son rond point trop large. Tout d'un coup, mon nouveau rôle de professeur me paraît beaucoup plus difficile à assumer... Apprendre à écrire à de jeunes débiles prétentieux ? L'écriture ne s'apprend pas. Personne ne m'a jamais dit où placer mes virgules. Pour qui se prennent-ils ? Le talent ne s'apprend pas...
   

Mais, à mon âge, il faut savoir faire des concessions. A cinquante ans tout rond, avec deux pensions alimentaires à assurer, et surtout cette volonté exécrable de sauver les apparences, de conserver cet appartement parisien, de continuer à faire la fête avec des gens ayant à peine la moitié de mon âge, coucher avec des filles toujours plus jeunes, ce genre de choses... Il ne faut pas faire le difficile. Va pour les étudiants, je préfère toujours ça aux tournées de dédicaces.
   

Le taxi me dépose devant l'entrée de Sciences Po. J’envoie un texto à Pedro, mon dealer, pour lui dire de venir me trouver ici à la fin de mon heure de cours. Il faut savoir que Pedro dessert beaucoup plus rapidement la banlieue que le centre ville bordelais. Je rentre et me dirige vers la salle où j'imagine que vont m'attendre une dizaine de post-ados boutonneux, mal fringués et sentant le rance. Au lieu de ça se tient près de la porte une fille absolument charmante, seule. Elle me parle mais je ne saisis absolument aucune de ses paroles, captivé que je suis par son décolleté vertigineux, agrémenté de bien belle manière... Alors on va être seuls ? Pourquoi pas. Elle entre dans la salle, je la suis, les yeux rivés sur ses fesses parfaites, ses longues jambes d'une grâce incroyable... A peine assis en face d'elle, mon téléphone sonne. C'est Pedro, déjà. Je ressens un étrange mélange de soulagement et d'exaspération : perturber ce moment d'intimité avec cette nymphe, pour quelques grammes de cocaïne ?
   

Je vais retrouver Pedro à l'extérieur. Alors que je distingue à travers la porte vitrée l'allure délabrée mais la relative bonne tenue de mon fournisseur personnel, un petit homme à lunettes en costume trois pièce me tombe dessus au dépourvu, me serrant la main, parlant à toute allure... Le directeur de l'institut ? En tout cas, il semble me dire qu'il est très heureux de me voir ici, sentiment que je suis loin malheureusement de partager. Pris d'une intense fatigue, je n'ai pas la force de lui répondre un mot. Je pousse la porte, il me suit. Pedro me tend trois sachet de poudre blanche, je lui tend trois billets oranges. Je me retourne, le petit homme a disparu.
   

Une ligne de coke plus tard, une idée brillante: imagine donc ma première journée ici...


Nombre de mots : 475

Caractères espaces compris : 2754

Narration à la première personne

Fiction classique

Ton sarcastique / humoristique

Temps bref : arrivée à Sciences Po, la première "séance"

Temporalité : présent

Personnages : l’écrivain, une étudiante, un dealer de cocaïne, le directeur de Sciences Po

L’écrivain: un homme de 50 ans célibataire, ayant eu son moment de gloire dans le passé mais actuellement sur le déclin, connu et reconnu dans le milieu mais relativement peu ailleurs, drogué, névrosé et totalement misanthrope, sans conscience réelle des manières à adopter en société, se place dans une relation de défiance avec la plupart des autres protagonistes sauf les jeunes femmes qu’il cherche plus ou moins consciemment à séduire. Il vit essentiellement pour son art mais est arrivé à un point où il est prêt à tout pour de l’argent. Je m'inspire de l'idée que j'ai d'auteurs comme Henry Miller ou Charles Bukowski.

Point de départ : l’écrivain renverse ce qu’il lui reste de cocaïne à l’arrière du taxi qui l’amène à Sciences Po, il ne se sent pas le courage de faire face à son nouveau job de professeur, qu’il trouve avilissant et sans intérêt mais s’y oblige par pur intérêt économique, il appelle son dealer pour qu’il vienne le retrouver après son cours.


Commentaire du texte " Atelier d'écriture " d'Alex E. , par l'animateur de l'atelier
(publié avec l'assentiment d'Alex E.)

" Le texte est drôle, assez bien conduit, reflétant dans sa structure même la vie dissolue de l'écrivain qui semble n'avoir d'attache à rien ni à personne — exception faite, donc, de sa drogue favorite.
Certaines annotations sont d'une grande pertinence, et prouvent une belle empathie avec le sujet et le narrateur ; par exemple, quand tu suggères que " l'écriture ne s'apprend pas ", ni le talent. C'est une question que je me suis souvent posée devant vous, habité du sentiment qu'en dépit de mon long parcours littéraire, je n'avais rien de précis à vous transmettre, ni ne pouvais utilement répondre au besoin de repères, de structure formulé par certain(e)s.
Petite réserve, j'ai noté ici et là un certain chevauchement des styles, rapprochant des tournures plutôt littéraires qu'on imagine appartenir à l'écrivain (" personne ne m'a jamais dit où placer mes virgules", "dizaine de post-ados boutonneux…") d'autres qui relèvent plutôt du langage familier (" cinquante ans tout rond "…). Peut-être aussi le portrait de l'écrivain dépressif et dépravé est-il un peu convenu ? Dans ce registre, les " deux pensions alimentaires " sont plus drôles, car plus originales, que la volonté " de coucher avec des filles toujours plus jeunes ", présente dans toute caricature. "

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