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Les textes des participant(e)s à l'atelier d'écriture

6 février 2012

Texte chenille

Consigne : 

Il s'agit de bâtir, à plusieurs, une histoire susceptible, comme un arbre, de développer des branches selon, par exemple, les choix divergents de tel ou tel personnage. J'écris une phrase. Un tel complète. Un troisième ajoute, etc. Pour ne pas nous perdre. Je suggère de numéroter vos contributions. La première phrase portera le numéro 1. Celle qui suivra immédiatement le numéro 2, etc. Si vous postez ensemble une suite, cela crée une arborescence, " 2a " et " 2b ", par exemple. Les contributions doivent être courtes (une phrase, c'est bien), de façon à ce que nous avancions rapidement et que l'énergie du départ soit conservée.

Formalisation : 

1. A travers le hublot de l'avion, Pierre voyait défiler la plaine russe.
2. Le paysage déplaisait à Pierre qui songeait déjà avec impatience à sa destination finale.
3. Et dans un coin de sa tête, son pays natal n'avait de cesse de le rappeler à lui
4. Il se demandait si cette fumée sortant du réacteur gauche, de son côté de l'appareil, constituait ou non un incident.
5. Étant un jeune homme qui ne se soucit pas facilement, le réacteur devait déjà être déterminé à voir sa fin.
6. Qu'importe si le réacteur explosait, il trouverait bien le moyen de sans sortir
7. Sa sœur avait beau lui répéter qu'à la différence des automobiles, les avions étaient pilotés par des professionnels, lui continuait d'avoir peur…
8. Comme de toute manière il ne pourrait avoir aucun sort dans le destin du réacteur, Pierre se mit á penser à la dernière discussion qu'il avait eu avec sa soeur.
9. Hôtesse de l'air, c'était un métier qui lui seyait à merveille. Une si belle fille ! Difficile de croire qu'ils étaient issus du même sang…
10. Finalement l'angoisse a atteint l'esprit de Pierre: sa soeur était sur le même vol! Il a été maladroitement distrait par l'idée de retrouvailles avec son collaborateur russe et a pu oublié une telle évidence
11. Un coup d'œil au réacteur le persuada de prendre les choses en main : rageusement, il pressa le bouton "appel au personnel de bord".
12. Sophie, l'hôtesse de l'air, abandonna le chariot des boissons et remonta l'allée entre les fauteuils jusqu'au siège de Pierre.
13. " Tu trouves ça drôle ? Je travaille, figure-toi. On n'appelle les hôtesses qu'en cas d'urgence ! "
14. "C'est un cas d'urgence ! Le réacteur fume ! Tu crois que je suis si stupide ?"
15. "Hilarante, ton sens n'humour ne devient que plus grandiose au fil du temps! Alors si le réacteur fumait, pourquoi t'appellais pas un ingénieur au lieu d'hôtesse de l'air?"
16. " Sophie, je te demande d'être sérieuse, rien qu'un instant ! Et puis non, regarde seulement à travers ce hublot ! Tu jugeras par toi-même ! "
17a. Sophie se détourna avec colère. " Tu sais bien qu'il est défendu aux passagers d'ouvrir le hublot ! Ne t'avise pas de recommencer. "
18a. Pierre se leva de son siège: "Si tu ne veux pas entendre raison, je vais moi-même en parler au pilote!"
17b. Sophie eut un geste impatient. " Je ne regarderai pas. Tu veux toujours me donner des ordres. Je ne suis pas à ton service, Pierre ! "
19a "Pierre, tu n'as plus 6 ans, tu ne peux plus aller te plaindre à une autorité quand les choses ne te plaisent pas. Assieds-toi!" Sophie va récuperer son chariot. "Un Sprite, Coca, une verre de vin?"
20a. Pierre resta un moment à ruminer sa colère. Puis, subitement, il décrocha sa ceinture et, se levant d'un bond, fila droit vers la cabine du pilote.
21a. Qu'importe s'il devait passer pour un fou, il se devait de prévenir quelqu'un de l'incident en cours. Comment se faisait-il que personne d'autre ne réagissait à la vue du réacteur endommagé?
22a. Allant vers la cabine du pilote, Pierre remarqua que tous les passagers, sans exceptions, étaient les yeux fixés sur un document où figurait le nom de la compagnie aérienne.

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6 février 2012

Histoire sans queue ni tête

Consigne au vol :

Dans la lignée de l'exercice sur l'attention que je vous ai proposé la dernière fois, j'aimerais vous soumettre une idée d'activité. Pour commencer, rendons-nous sur le site Internet du Monde : http://www.lemonde.fr/ … et choisissons un article en Une, le premier qui accroche notre regard. Dans cet article, piochons une phrase au hasard, assez courte (une seule contrainte : qu'elle soit intelligible et ne soit pas extraite du " chapeau "). Nous allons broder autour de cette phrase en nous livrant à une rapide, mais rigoureuse association d'idées. Il s'agit, en quelque sorte, de concurrencer les générateurs automatiques de texte apparus dans les années 1980 qui, à partir d'un extrait comme celui-ci, pouvaient produire des lignes presque à l'infini.

Les projections narratives qui en résultent :

A partir d'une courte citation du Monde"100 voix contre zéro" , piochée dans l'article de Une.

> le contexte d'un tout petit village de 100 électeurs, qui votent tous pour le même candidat à la mairie, issu d'un parti extrême, droite ou gauche.

> Ce village serait à la campagne, rural, avec plus de vaches que de gens... Il faut défendre l'agriculture française, et le maire propose de moderniser l'agriculture. Les électeurs votent tous pour la même personne, selon ses propositions politiques qui font facilement l'unanimité.

> Le candidat élu est un vieux réac' qui veut protéger le village en imposant de lourdes taxes sur les produits. Tous ceux qui voudraient acheter les produits sans résider au village devraient s'acquitter d'une taxe, ce qui permettrait, au dire du maire, de renflouer les caisses et d'accroître les rendements. Alors que chez les autres candidats — mettons deux candidats —, l'un serait déjà maire depuis quarante ans, ce qui lasserait les gens ; l'autre, à l'opposé de l'élu, serait un jeune installé depuis peu et qui souhaite une ouverture, une modernité dont les habitants ne veulent pas.

> La faiblesse de l'argumentation du maire : il croit que les gens vont continuer à acheter les produits malgré la taxe, sans voir qu'il propose aux villageois un repli sur eux-mêmes, une sorte de protectionisme malfaisant. 

> L'un des candidats propose d'accorder le droit de vote aux animaux, singulièrement aux vaches. Son parti soutient que, puisqu'on donne le droit de vote aux étrangers, on peut bien l'octroyer aux animaux, dont certains sont réputés pour leur intelligence. Ce parti prônerait l'amour des bêtes, leur reconnaîtrait les mêmes droits qu'aux humains. Procédure : un "meuh", je vote intel ; deux "meuh", je vote pour l'autre. 

> Le suffrage universel s'applique-t-il aux animaux ? Le nouveau maire est de cette opinion qui, compte bien, dès le début de sa magistrature, introduire dans le code municipal cette réforme d'ampleur.

> Des savants seraient parvenus à la conclusion que les animaux, non seulement parlent, mais conspuent ouvertement l'humanité dans leur langage. S'ils ont décidé de ne pas interférer avec la civilisation humaine, c'est par sagesse, non par soumission.

> Pour dramatiser le sujet, il convient cependant d'introduire du conflit. Je suggère de créer des opposants, d'ouvrir une polémique. Le conseil constitutionnel ne peut immédiatement donner son aval au vote des animaux, ou alors, il doit affronter la lever de boucliers de certains parlementaires, ainsi que d'associations comme l'Union rationaliste.

Ebauche de mise en forme : 

" 100 voix contre zéro. C'était le résultat du premier dépouillement, achevé à vingt-heures quarante-cinq dans la salle du conseil municipal de la Grande Vareuse. " Aujourd'hui, votez pour la modernité, pour la nouveauté et le changement ! " clamait M. Lemaire, élu à 100% des voix dans un petit village de campagne. Les habitants, séduits par sa philanthropie et son amour des bêtes, l'ont en effet élu à l'unanimité. " Je n'ai jamais douté de ma victoire. " a ajouté le maire. " Ce qui se passe entre les Verdiens et moi, ce n'est pas de la politique, c'est une histoire d'amour. Et elle dure depuis onze ans ! "

Aussitôt, les 101 vaches majeures qui paissent dans les champs autour du village ont obtenu le droit de vote, qu'elles pourront exercer aux prochaines élections. " Il me semble très important d'accorder ce droit aux animaux qui nous accompagnent si fidèlement depuis tant d'années, clamait M. Lemaire, un jour avant les élections. Les vaches sont des êtres doux, paisibles, et bien plus intelligents que les citadins de passage. Elles sauront faire le bon choix lors des élections à venir, lesquelles, rappelons-le, seront cette fois des élections nationales, puisqu'il s'agira d'élire notre président de la République. Le conseil constitutionnel a déjà agréé à la mise en acte de cette proposition, qu'il trouve en parfaite compatibilité avec la constitution et particulièrement en avance sur son temps.

Le principal ex-concurrent de M. Lemaire, dont le nom échappe au rédacteur du présent article (nous espérons que les lecteurs voudront bien nous pardonner ce regrettable oubli), s'est senti particulièrement offensé par l'attaque de notre nouveau maire, le traitant de " parigot du 18è ". Le candidat malheureux a aussitôt répliqué qu'il était, en réalité, originaire du 19è, et traité à son tour M. Lemaire de " Monsieur "Meuh ", insulte fort peu élégante.

vaches

6 février 2012

Bouquet d'haïkus

Quelques haïkus libres, improvisés en ligne…

Au coin de la fenêtre
L'étoile de givre taille
Un angle à mon regret

Meurtri de froid
Mes pensées s'exilent
Vers d'autres contrées

Au pli de la pendule
Les aiguilles froides
Entaillent la peau.

A la pointe des tiges
La rosée bleue
Pleut

Perdu dans la tempête
L'envol d'un flocon
Inouï

Dans la tiédeur de l'étui
Je berce le violon
Sommeil d'hiver

Meute des silences
Le vent qui hurle
A la lune

Bouquins aux arrêts
Alignés
Ils murmurent

Peu à peu
Les fleurs 
Fanent

Belles et pâles
Les fleurs
Fanent

Estampe japo

17 décembre 2011

Consigne pour le texte " attention " >

Consigne pour le texte " attention "


> objectif : exercer votre capacité d'attention ;

> consigne :

Ce soir, si vous sortez prendre l'air, ou demain, munissez-vous au choix :

• d'un carnet, d'un crayon ;
• d'un enregistreur numérique ou autre
• de beaucoup d'attention

Asseyez-vous à la terrasse d'un café ou d'un restaurant, non pas au hasard mais au voisinage d'une table dont les occupants :

• n'en sont pas encore au dessert
• surtout, paraissent engagés dans une conversation volubile et animée

Puis… tendez l'oreille.

L'objectif immédiat : relever mot par mot, sans déformation aucune ni la moindre réécriture, ce qui se dit à la table voisine pendant un temps déterminé, que je fixerai arbitrairement à 30 secondes.
Notez tout et, s'il y a plusieurs locuteurs, identifiez-les par la marque de votre choix.
Une fois achevée cette prise de notes, sur place (pour ceux qui aiment écrire au café) ou de retour chez vous (pour les autres)…
… tâchez de développer cette conversation en amont et en aval, c'est-à-dire AVANT et APRES l'extrait que vous avez noté, et sur lequel que je vous demande de ne pas intervenir.
Bref, vous imaginez et écrivez l'échange qui précède et l'échange qui a suivi ce que vous avez entendu.
Vous avez le choix :

• soit d'imaginer une introduction et une suite " plausibles " (mêmes protagonistes, mêmes situations, même ton) ;
• soit, au contraire, d'établir un cadre qui va entièrement modifier le sens de ce que vous avez entendu.

> commentaire sur l'exercice :

Ce n'est pas un hasard si, lors de l'exercice sur l'observation, beaucoup d'entre vous ont spontanément décrit des objets.
Certes, j'avais donné le ton en décrivant dans le détail la salle, son ameublement, etc.
Mais vous avez entendu " observation " comme l'approche d'éléments plutôt statiques, de pièces du décor, une porte, une fenêtre, un crayon, etc.
L'attention, comme je la conçois, est une approche beaucoup plus dynamique du monde qui nous entoure.
Donc, elle exerce d'autres facultés chez l'écrivain.
Autre différence, elle s'applique plutôt à la vie et à ses manifestations : les personnes qui vous environnent, les conversations que vous entendez, les mouvements divers qui animent une rue, etc.
Et aussi les paroles prononcées autour de vous.
On peut être très observateur et peu attentif. Ou inversement.

Cet exercice est plus complexe qu'il n'y paraît.
 Il faut faire preuve de beaucoup d'attention, d'une certaine dextérité pour ne rien perdre de ce qui se dit, puis d'une grande empathie pour entrer dans la peau des gens que vous avez entendus.
Par exemple, il y a des personnes dont je n'aime pas le langage, ou dont les centres d'intérêt sont diamétralement opposés aux miens.
Mais, pour réussir l'exercice, je dois faire preuve de souplesse et tenter d'épouser leur façon de s'exprimer et de voir le monde.

terrasse café

17 décembre 2011

Exercice d'attention par Karoliina V.

A= " En général, les cours à 8 heures du matin, ça me convient sans problème, mais alors ces cours... "

B= " Oui, il fait un effort de... d'une pédagogie sérieuse, comme s'il nous apprenait quelque chose de nouveau."

C= " C'est ça. "

A= " Le problème c'est que les cours n'incitent à aucune discussion, même quand quelqu'un fait l'effort. C'était exactement le cas l'autre jour, à l'amphi... "

B= " Exact. "

A= " Alors hier - je l'ai fait exprès - je me suis mis à m'asseoir au premier rang. J'y suis seul, personne n'y s'asseoit, mais ça me permet de le surveiller. "

B= " Oui, il faut que quelqu'un le fasse. "

C= " Tout à fait d'accord. C'est la même chose qu'avec les politiciens : ils parlent bien, mais ne disent rien de révolutionnaire."

B= " Ouais, t'as raison. Alors le prof, il était toujours dans son état catatonique ? "

**

A= " Il était en place avant moi, et à distance je lui ai dit de ne pas aller trop loin. Mais quand je l'ai vu devant, mais il avait sur lui cette expression ' C'est moi qui l'ai dit, je ne m'excuserai pas. ' "

B= " Oui, j'ai l'impression que lorsqu'il défend un point de vue, il essaye d'inventer une nouvelle théorie. "

A= " Oui, c'est ça. Quand il nous racontait du vol et des facteurs atténuants, il nous posait- "

C= " Oui, ça ne peut pas être expliqué ainsi. "

A= " C'est surtout un positionnement juridique. "

B= " Exactement. "

A= " Quand il nous fait cours, il nous explique, mais... Les faits restent des faits. On ne peut pas justifier le meurtre en disant ' Il n'était pas sympa, je me suis faché. ' "

C= " Oui, la même chose avec le vol, c'est pas parce qu'on désire quelque chose que ça sert de justificatif. "

**
A= " Alors je me demande, pourquoi il ne nous aide pas à les comprendre, les justificatis, à les mettre en contexte ? Car avec ces cours, ce qu'il fait, ce n'est que nous donner des exemples qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre. "

C= " Oui, c'est hallucinant. "

B= " Si ce n'était qu'un cours d'introduction... "

A= " C'est justement ça. Une fois qu'on serait des avocats, on ne serait pas payés pour comprendre les gens, les aider, on nous embaucherait pour nos connaissances de la loi. "

C= " Il nous facilite pas cette tâche, c'est sûr. "

B= " Il fait l'inverse. "

A= " Demain, j'irai discuter avec lui, ou sinon le cours ne changerait jamais. Un prof qui n'a pas les compétences d'expliquer les choses et de les mettre en contexte... Qu'est-ce qu'on y apprend ? "

B= " Rien. "

C= " Sauf à faire des commentaires. "

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17 décembre 2011

Exercice d'attention par Thomas le G.

Histoire d’eux, histoire d’eau

−    Salut les affreux ! Bonjour à mademoiselle, qui est nouvelle ici.
C’est qui, elle ? Jamais vu. C’est David qui l’a invitée…
−    C’est Marine, elle est avec moi en linguistique.
−    Tu me présentes pas ?
−    C’est Romain. Romain, voici Marine, Marine voici Romain.
−    Enchanté.
−    Enchantée.
−    Je vois que ça picole sec. Vous m’avez pas attendu ? Vous êtes à quoi ? Si c’est Picon, je vous suis.
−    C’est du Picon.
−    Alors je vous suis. Bon, il pleut là. On pourra pas y aller.
−    Ça va se calmer, on a vu la télé avec Audrey avant.
−    Tu crois la télé, toi ? Genre t’as jamais remarqué que quand les types ils te prédisent du soleil partout, y’a qu’à Bordeaux où il pleut et que quand demain il doit neiger, t’as un putain de soleil et que tu te retrouves à te trimballer un gros pull et un manteau ? Non, mais sinon c’est sympa la pluie, j’aime bien. Tu vois, ça fait genre vieux Londres et tout : tu t’imagines avec des vieux types au coin des rues, redoutables, prêts à te planter. Avec Jack L’Éventreur qui rôde…
−    Marine fait gaffe alors, ça tombe souvent sur les jeunes filles innocentes.
−    C’est gentil, merci David.
T’as pas idée, ma cocotte, c’est à lui que tu devrais faire gaffe. David le Renard des surfaces, la tête chercheuse. Un tableau de chasse grand comme un terrain de foot. Une tchatche comme pas permis, un vrai marchand de tapis.
−    Alors, qu’est-ce qu’elle fait Marine qui boit un Coca, là ? Dis-nous en un peu plus de toi.
−    C’est gentil, je veux pas m’incruster, j’attends mon copain en fait.
−    Et il fait quoi ton copain ?
−    Là il vient d’entrer à Sup de co’. C’est une école de commerce. À Paris, c’est la meilleure. La plus dure, en fait.
−    Donc il passe son temps à bosser, quoi. Sérieux, plus tard avec un boulot callé.
−    Oui, mais pas seulement. Il m’a dit, là-bas c’est genre… géant. T’imagines même pas leurs soirées ! Traiteurs, open bar, tout le truc. Sup de co’ autant c’est des bosseurs, vous imaginez même pas comment ils travaillent (mon copain dort pas de la nuit parfois), pareil ils savent faire la fête. C’est pas les derniers. Quand je pense parfois à Bordeaux, aux Bordelais… Ils sont coincés je trouve. Je veux dire, tu peux faire les deux.
Sup de co’, ma parole, qu’est-ce qu’elle flambe ! Un copain à Sup de co’ — leurs discussions doivent être passionnantes, c’est sûr. De quoi tu veux parler avec un type qui porte déjà un costard à vingt ans ? D’emprunter pour acheter un monospace ? De partir en vacances à Agadir ? Paye leurs soirées : trois sushis rachitiques et canapé-télé. A-t-on idée de s’enterrer comme ça. Si jeune. Purée, mais j’y mettrais le feu à leur école, rien que pour ça, ça vaudrait le coup… De toute façon entre là-dedans c’est du piston ou de la lèche. Pour quoi faire ? Vendre des Tupperware ?  Des sanibroyeurs ? Et parler de ça au bar, en soirée, avec les gens ? Ma parole, mais quelle tristesse.
−    Et vous vous faites quoi ? David je sais, mais vous autres ? Romain tu fais quoi ?
−    Ben là j’étais sur Internet, je me suis réveillé tard.
−    Tu cherches tu travail ?
Rien à voir, tu crois quoi ? J’ai autre chose à faire, si tu savais ma belle. Je suis pas comme ton copain. J’en ai rien à faire de me raser tous les matins et de porter des chemises qui grattent le cou. Je suis un artiste, j’ai des projets et pas juste aller à Ibiza pour crâner et faire style. J’ai du potentiel.
−    Non, il est en licence de cinéma. Dis-le que tu es en licence de cinéma ! Pourquoi tu le dis pas ? T’es timide ou quoi ?
−    Moi, tu vois, au départ, je voulais être dessinateur de BD. Alors je voulais faire les études à Angoulême. Pour te dire, quand j’ai acheté mon ordinateur, mon mot de passe c’était « making comics ». Et là je viens d’en changer, c’est « don’t fuck the film ». Tu vois, dans ma vie, j’ai toujours voulu faire trois choses : dessinateur de BD, faire des films et être pirate. Là, je suis sûr, c’est sûr, je deviendrai pirate.
−    Moi c’était sage-femme.
−    Ah ouais, intéressant…
Sage-femme… Mais que les filles sont tartes parfois ! Je t’en mettrai, moi, des sages-femmes. Où tu veux aller avec ça ? C’est sûr que ça fait rêver ! Tu parles oui, ça rime à rien. C’est typiquement le genre de filles que je peux pas supporter, le genre de filles qui collent leur chewing-gum sous la table. Sage-femme, pourquoi ? Pour « donner la vie » ? Le plus beau spectacle du monde, qu’elle doit dire : naze.
−    Oui. Mais là je me suis orienté vers quelque chose de plus… comment dire ? Tu vois, autant essayer d’aller le plus loin possible ; je veux dire, histoire de se prouver qu’on peut faire quelque chose de bien. Après je verrai si je veux encore. Je pense que c’est bien de profiter de nos années d’études pour découvrir différentes choses. Je me voyais pas m’enfermer dans une case. Peut-être que je prendrai une année sabbatique aussi, pour voyager, parce qu’on peut pas vraiment être adulte, ça enferme je trouve, si on n'a pas vu des choses ; je veux dire si on n'a pas vu ce que c’est que d’en chier. Mais bon… Romain, tu as déjà dessiné ta BD ou t’es passé direct aux films, parce que c’est marrant…
−    J’avais commencé un projet sur les pirates. Justement, tu vois c’était une façon de me renseigner sur mon futur. Ouais, de soigner mon orientation, de la préparer.
−    Y’avait pas licence de piraterie ?
−    Hé hé, non. Non mais la BD parlait d’un pirate, forcément, vocation oblige. Mais tu vois, c’était pas une BD genre Tintin ou Astérix, le truc classique, non c’était plutôt un comics. À l’américaine. Genre Batman, genre super-héros. J’avais commencé quelque chose là-dedans, du genre une dizaine de planches. Le début surtout et puis surtout réfléchir au personnage. Parce que tu vois, c’est important de bien savoir ce qu’on veut qu’il soit le personnage, sinon tu dis rien, t’avances pas.
Tu vas voir un peu le genre de type que je suis. Tu crois que la vie c’est Sup de co’ et je ne sais pas quoi, hein ? T’as encore rien vu. La vie c’est rêver, c’est faire des trucs grandioses, des idées monstres, totalement barrées. Rien à voir avec une cuisine Ikea et un boulot à la noix. Je suis pas un suiveur moi.
−    Le pirate avait des pouvoirs alors ?
−    J’y ai pensé. Tu vois, je me suis dit que peut-être il pourrait se transformer ou réveiller ses pouvoirs après s’être cartonné au rhum. Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire avec sa jambe de bois ou son perroquet.
−    Genre Batman & Robin ?
−    Ouais, genre, mais plus profond tu vois. Parce que avoir des pouvoirs pour avoir des pouvoirs, à quoi ça sert ? En pleine mer en plus, t’as l’air malin avec… Sinon, j’avais pensé à une baston avec un immense Kraken…
−    Kraken ? Les gâteaux apéro pas bon ?
−    Ça c’est les Bretzel, t’es con ! Un Kraken tu vois c’est genre une pieuvre immense, qui se serait gavée de soupe. Le truc est immense et aime pas vraiment les bateaux et tout. Pas de chance, l’océan est immense tu vois, mais bon quand le navire passe et que le Kraken aussi, il se déchaîne et entoure la coque avec ses tentacules. Je sais pas combien, mais un paquet. Ça a une force démente le truc, et ça peut te casser le bateau. Tu comprends pourquoi on appelle ça une coquille de noix. Un petit coup de tentacule et crac ! Six pieds sous mer. Y’a plein de légendes là-dessus, vous connaissez-pas ?
−    Je sais pas… Marine, tu connais ?
Aucune culture… Comment tu peux pas savoir ça ? C’est élémentaire, bon sang.
−    Oui, quand j’étais petite dans un livre de Jules Verne il y avait une image avec, en noir et blanc, trop belle, tu sais un peu à l’ancienne…
−    Ouais. Et donc je me suis dit, voilà, que le pirate il peut pas juste avoir des pouvoirs qui serviraient qu’au moment de la bataille avec le Kraken ; et en plus c’est un peu, je sais pas moi, prévisible, tu vois. Donc je me disais qu’il fallait un truc plus dramatique. Qui accroche. Alors je me suis dit : « le pirate doit payer pour ses pouvoirs ».
−    Avec un trésor ?
−    Non, rien à voir. Pas payer avec des sous, payer de sa personne. Qu’il ait souffert, il faut qu’il en ait chié, tu vois. Que genre la mer et son bateau auquel il tienne trop, ce soit une sorte de contrepartie pour autre chose. Genre, sur terre il a été victime d’une erreur de justice (on l’a accusé à tort d’avoir volé trois pommes et un bout de fromage, à l’époque il en fallait pas beaucoup). On l’a mis en prison alors que c’était pas lui. Du coup, adios sa femme et ses enfants. Il est tellement enragé qu’il se bat, qu’il se saoule, tous les soirs. Un vrai sac à vin. Et il embarque en mer. Il devient pirate, tu vois, parce qu’il en peut plus de la société. Elle est tellement pourrie et injuste qu’il veut pas la servir. Il veut surtout pas être comme les corsaires, des larbins en dentelle qui servent le roi.
−    Et les pouvoirs ?
−    Et du coup, j’imaginais qu’un soir, tout saoulé, il rencontre le diable, dans une petite ruelle, tu vois, bien glauque et sale. Quand le diable s’approche, les flammes de bougies qui éclairent les bicoques s’éteignent peu à peu. Bien lourde l’ambiance, tu vois. Le diable il sait que le pirate il en peut plus. Il est malin, comme toujours. Il veut son âme, parce que lui sa quête, c’est juste de transformer la terre en enfer. Alors il lui propose un marché. Le diable il lui dit « si tu renonces à la terre, tu deviendras le roi des mers ! » Bref, un truc comme ça. Le type est tellement au pied du mur qu’il accepte, se disant : « j’ai tout perdu, ma femme, mes enfants, mon honneur, que n’ai-je besoin de mon âme ? À quoi me servira-t-elle à présent ? À me tancer de tant de remords ? »
−    C’est bien dit !
−    Et tu crois quoi ? Qu’on n’a pas de culture ? Que si on n'est pas dans une école de bourges on sait pas travailler ? C’est du boulot, une BD comme ça. C’est y penser tout le temps. Tout le temps penser au pirate. J’en faisais des cauchemars. Tellement, que parfois j’avais l’impression d’avoir un perroquet sur l’épaule, et je l'appelais « Coco », je lui donnais à manger des sardines. Un vrai vampire, ce truc… toute la tête bouffée par lui. Quand je dessinais, je me mettais un cache-œil pour vivre comme le pirate, voir le monde avec son seul œil. Un monde réduit, carrément minus. C’est un peu comme passer de la stereo au mono : un grand retour en arrière. Et ça, tu peux pas le comprendre comme ça, c’est un truc d’artiste.
−    Oui, il faut restituer un peu le parler de l’époque, il faut qu’on y croit. Alors il fait un marché avec le diable, il l’accepte. Il cède son âme et du coup gagne ce qui le permettra d’être roi des mers. Des Indes jusqu’aux Amériques ! Un destin grandiose : écumer les océans et ramasser tous les trésors. Tu vois, sauf que vu qu’il a perdu son âme, il ne goûtera plus aux plaisirs des simples mortels : ni la chair, ni la chère. Il s’éclatera juste à dominer les autres. Et il peut les dominer grâce à son pouvoir.
−    Et c’est quoi ?
−   Je cherche toujours. J’arrive pas à en trouver un qui pète bien, un pouvoir classe, tu vois. C’est là que j’ai décidé de faire des films. Parce qu’aujourd’hui, même avec un petit budget, tu vois, tu peux faire des effets spéciaux de malade. Et ça donnerait vraiment pour ce personnage, ça renforcerait le mystère et l’ambiance. Ce que tu peux pas faire juste avec du dessin. Il faut autre chose, comme de la musique par exemple, tu vois. Parce que je me disais que je pourrais mettre genre une musique sans rapport avec les pirates : du hard rock ou du blues. Le blues on dit aussi que c’est un truc d’afros qui ont vendu leur âme au diable. Sortis des champs de coton, ils en pouvaient plus. Ils en crevaient de malheur, de trop souffrir. Dans ces cas là t’hésites pas, tu vois. Si le type te file en échange de ton âme un truc qui te fait sortir du lot et bien jackpot, mon pote ! Si tu peux devenir un musicien du feu de Dieu ; enfin… Tu vois le parallèle, comment ça va bien ensemble ? C’est pour ça que le ciné ça le fait mieux.
−    Mais c’est pas un truc pour les enfants ton histoire ?

17 décembre 2011

Exercice d'attention par Jim C.

And the sky is gray...

Le bruit est quelque chose d’extraordinaire. Puissant, perturbant, agité, il ne cesse d’habiter la ville, d’en battre la mesure au fil des jours. Le bruit, cette conglomération de son qui de boucan peut devenir symphonie au gré des auditeurs. Tendre l’oreille et en saisir les spécificités, les particularismes musicaux reste un exercice difficile, périlleux même pour quiconque s’y prendrait à la légère. En ce sens, il est vrai que je dispose d’un avantage sur mes concitoyens, je suis devenu muet à la suite d'un traumatisme survenu il y a de cela quelques années maintenant. Un avantage certes à nuancer mais un avantage tout de même surtout pour l’amoureux des sons que je suis. Quoi de plus ironique, me direz-vous ; comment un muet peut-il apprécier la parole ? Comment un être privé de toute possibilité d’expression orale peut-il vouer un véritable culte à l’oralité ? Je n’ai ni l’envie, ni la capacité de l’expliquer, c’est ainsi, je suis devenu adepte des bruits, esthète des voix, qu’elles soient gutturales ou aiguës, assurées ou pleines d’hésitation (si tant est qu'elles soient utilisées avec élégance). En cela, je suis à l’écoute comme personne de ce que la ville peut exprimer. A chaque déplacement, ce sont de véritables concerts en plein air auxquels j’assiste et cela sans autre frais que la douleur qui parfois ralentit mes pas. Ainsi, je vague entre les rythmes, entre les variations de cuivre s’élevant d’un chantier en construction, entre les modulations jazzy issues de la lutte de plusieurs conversations s’entrechoquant, entre le bruissement métallique de la marche des individus sur les différentes plaques d’égout et autre grilles d’aération. Un véritable orchestre, vous dis-je, si bien que même l’illustre Mozart serait resté pantois devant tant de maestria. Et alors que je me dirige vers ce petit café où moi et mes quelques proches sommes devenus des habitués au fil des consommations et des éclats de rire, je ne cesse de me délecter de la musique qui m’est jouée avec tant de naturalité. Et ce vent qui s’insinue en finesse entre deux mesures de silence : si seulement vous pouviez l’entendre comme je l’entends, si seulement vous pouviez percevoir les notes cristallines qu’il éveille au contact des feuilles, les roulements de batterie qu’il s’amuse à composer avec la poussière des trottoirs. Oh non, ne plaignez pas mon handicap, jamais, mais plaignez plutôt votre incapacité à saisir la grandeur des bruits les plus communs et les plus insignifiants !

C’est avec ces pensées parasites que j’arrive à la hauteur de mes compagnons dans ma discrétion habituelle. Leur nom ou leur apparence n’ont aucune importance, seule compte ici leur parole et voilà comment ils en font l'usage à cet instant précis :

- Je ne sais pas pour toi mais, cette année, les soldes, je ne les trouve pas géniaux.
- Pareil. Je n’ai acheté qu’un pantalon et pourtant, ce n’est pas faute de m’être tapé deux jours dans les magasins.
- Ouais. Je pensais y aller avec ma mère, elle est beaucoup plus douée que moi pour trouver des trucs intéressants.

Je peux assurer, avec toute l’humilité dont je peux faire preuve, que s’ils accordaient autant d’importance que moi aux mots, aux lettres et aux sons, ils n’oseraient pas bafouer ainsi leur beauté. Les barbarismes qu’ils utilisent à tout-va ressemblent à la chute d'un chef d’orchestre entraînant irrémédiablement un chaos indescriptible ; la cacophonie qui s’ensuit manque de me faire vomir et je maudis l’espace d’un instant mon incapacité à pouvoir les couper par une phrase assassine. Lorsqu’ils prennent conscience de ma présence, ils me saluent d’un geste et entament avec moi une chorégraphie de mains propre à la langue des signes. Bénie soit-elle car, bien acquise (et c’est le cas ici), elle ne s’embarrasse pas de longueur ni de faute de français quelconque. Elle est directe, simple, sans concession, sans ballet de respiration à chaque fin de phrase ou autre « euh » épouvantablement régulier. Nous nous asseyons à une table dont les chaises en osier nous accueillent chaleureusement et à nouveau la symphonie du monde reprend ses droits. Les pots d’échappement hurlent des flots de notes graves qui viennent mourir à nos pieds, la mine de crayon du serveur se casse sous le poids de nos commandes et le bruissement de la gomme a l’allure d’une ligne de basse. Mes deux amis reprennent leur échange oral rongé par la même désinvolture grammaticale tandis que, de mon côté, je reprends le flot de mes pensées. 

Une voiture s'engage dans la ruelle d'à côté et la musique de l'autoradio se faufile avec difficulté jusqu'à notre table. Une phrase chantée en coeur réussit à s'accrocher au pied métallique puis à grimper jusque sur le plateau circulaire où nos boissons ont à présent élu domicile. Je la regarde se débattre avec les notes stridentes issues du tintement du verre sur la table à chaque fin de gorgée et soudain la phrase se jette à mes oreilles avec toute la force qu'il lui reste encore. « All the leaves are brown and the sky is gray » entends-je avec délectation. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes et le bruit reste quelque chose d’extraordinaire.

21 octobre 2011

Consigne pour le texte " observation " >

Consigne pour le texte " observation "


> objectif : exercer vos talents d’observation ;

> consigne : à partir de votre expérience présente, immédiate ( vous participez à cette séance dans la salle Arnozan de l’université Bordeaux Segalen ou, rentré chez vous, vous relisez ces notes sur votre écran d’ordinateur ), rédigez une impression subjective — mais concrète et incarnée — du lieu, du moment, des personnes, des objets qui vous entourent. Soyez attentifs au moindre détail : si vos vêtements sont assez chauds ou non, si le bracelet de votre montre est trop serré, comment votre digestion se déroule, quelles pensées vous occupent, etc. 

> la longueur ou gabarit (nombre de caractères) est libre

Une-fraise-a-la-loupe

21 octobre 2011

Observation par Peton M.

A bord

Je viens de monter à bord de l'Airbus 777-400 d'Air France qui va me ramener sous les tropiques, loin de mon amour, loin de ma famille...
Inconfortablement calée dans l'étroitesse du siège bleu 34L, mon estomac est noué, mes yeux humides, une moue triste et poisseuse trahit la douleur de m'envoler vers le soleil et les cocotiers réunionnais. Les gens m'observent, interrogateurs, ne comprenant sans doute pas ce qui peut motiver une telle morosité...
A ma droite, le hublot m'offre un dernier coucher de soleil parisien sur l'aile de l'avion maculée de salissures noires...orangé...scintillant...un peu réconfortant...
Mais qu'est ce que je fais dans cet avion ?
Devant moi, le petit écran qui va me divertir et me changer les idées pour les 10 prochaines heures projette l'image d'une femme jeune qui sourit dans son apparat de la compagnie. La tablette en dessous a l'air bringuebalant, le porte verre est cassé, de petites projections brunâtres de je-ne-sais-quoi me font songer que le ménage est plus que douteux et que l’appareil est vétuste...
Et si on s’écrasait ?
La pince qui ramène mes cheveux en arrière me gène pour me reposer sur l'appui tête lui aussi bleu...je la retire pour la clipper à l’anse de mon petit sac laissé à mes pieds, ramenant ainsi ma tignasse sur un visage fermé,  ce qui va peut être dissimuler mon chagrin...
Je veux descendre...je veux courir le retrouver...
Je reste assise, stoïque, figée, les deux bras sur les accoudoirs, attachée avec lâcheté pour être à l’aise, ma petite couverture beige et mon oreiller rouge offerts par la compagnie soigneusement posés sur mes genoux qui butent dans le siège devant...promenant mon regard du tarmac qui plonge peu à peu dans l’obscurité à mon annulaire gauche nouvellement embelli par mon amoureux à la dame de l’écran aux insolents qui m’entourent avant de retourner au tarmac…
 Tiens, mon jean est troué à droite…ça fait négligé…
Les larmes s'arrêtent pour reprendre de plus belles, incontrôlables…
Heureusement que je ne me suis pas maquillée…quelle anticipation !
...alors qu'autour de moi, c'est l'effervescence d'un grand départ pour l'aventure pour les uns, d'un grand retour à la maison pour les autres...
Et moi, pourquoi je suis là ? Pourquoi je m'envole vers cet inconnu désespérément familier ? A quoi ça rime ?
A ma gauche, le siège est vide. Maigre consolation que de pouvoir étendre mes jambes pendant le voyage...La dame du bout de la rangée en a l'air ravi et y expose ses deux gros sacs, ses journaux et son gilet en me souriant gentiment.
 

21 octobre 2011

Observation par Alex E.

Les rayons de ce soleil de midi qui tombent droit devant moi m'éblouissent en glissant sur les dalles lisses de la rue Sainte-Catherine. Mon regard ainsi empli de lumière ne se retrouve que dans l'ombre de la massive arche de pierres, une porte, donnant sur la place de la Victoire. Mais à contrejour ce sont les soucis qui m'égarent — un repère est une ancre, il vous maintient solidement arrimé dans un présent qui n'est pas toujours assez long pour vous.
Lentement, en traînant les pieds, je me suis avancé dans le monde des responsabilités, où je sens peser sur moi, partout, à chaque pas, le spectre des choses à faire, et à refaire. Tout le paradoxe est contenu dans ce lieu, dans cette salle et ses ombres légères, ces tables à l'alignement strict, rectiligne, ce grand tableau noir et vide et ses quelques traits à la craie : nous cherchons à nous libérer l'esprit dans une prison. Mais au moins, le temps d'une heure, j'ai oublié.
Oublié que l'heure suivante j'allai y replonger. L'oubli. Ouvrez les écoutilles et emplissez-vous de lumière.

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Les textes des participant(e)s à l'atelier d'écriture
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